03 mars 2010

Bel article de Libération

Dans Les Stratégies Fatales, le philosophe Jean Baudrillard s’attaque avec une ironie lumineuse à cette notion périmée: “Vive l’objet sexuel, proclame-t-il. Vive la séduction!”. Dans notre culture, il est depuis des siècles si mal vu d'être un "objet" que le sujet est considéré comme le seul statut digne d'un être humain. Et si c’était faux?, suggère Baudrillard. "La séduction est païenne, l'amour est chrétien. C'est le Christ qui commence de vouloir aimer et se faire aimer. La religion devient affect, souffrance et amour, ce dont n'avaient cure les cultures et mythologies archaïques et antiques, pour qui la souveraineté du monde réside dans le jeu réglé des signes et des apparences, dans les cérémonials et les métamorphoses, donc dans des actes de séduction par excellence." Pour Baudrillard, l’objet n’est ni passif, ni faible, au contraire. Il possède le pouvoir réel. Celui de séduire, de conquérir, mais aussi de détruire, par l'ironie, en n'offrant rien d'autre qu'un simulacre de la soi-disante passivité (fragilité, vulnérabilité) à laquelle on voudrait l'assigner.
Faussement offerte, la femme-objet renverse le rapport de domination, en disparaissant derrière une image trompeuse. Elle n'offre finalement rien d'autre que l'illusion d'être disponible et les spectateurs sont ridiculisés par cette image qu'elle renvoie en miroir : "Vous désirez mon corps? Je ne vous offrirai donc rien d'autre que cela". Les voilà pris au piège, anéantis, ridiculisés. Pour donner un exemple: la plupart des strip-tease sont des jeux de dupe. Ceux/celles qui vont dans les clubs hurler ou miauler devant des gogo siliconées/anabolisés n’en ressortent pas triomphant(e)s. Car le spectacle de l’effeuillage ne fait jamais que leur renvoyer en miroir une image pathétique d’eux(elles)-mêmes. Qui est le plus nu, finalement? Les spectatrices hystériques ou les Chippendales? Les voyeurs à la langue pendante ou les gymnastes de pole dance? Méfiez-vous du regard que vous jetez aux mini-jupes. C’est ce regard qui est obscène, pour peu qu’il salisse ce qu’il touche.